Par Mona Boulay, professeure de chant (et adepte de jeux vidéo!)
Nous sommes nombreux et nombreuses à avoir passé des heures, peut-être même des jours entiers à jouer à des grands classiques de Nintendo. Peu importe la console, NES, Nintendo Switch, Gamecube, Nintendo 64, DS… il y en a eu pour tous les goûts (et tous les âges) !
Jouer est une expérience durant laquelle plusieurs de nos sens sont sollicités, et si il est évident que les graphismes sont très importants pour bâtir le visuel d’un univers, il n’en est pas moins de la musique ! Cette dernière nous aide à nous plonger plus intensément dans les mondes proposés, elle rythme notre aventure, et dresse un portrait sonore qui marque les mémoires. Qui ne se souvient pas du thème musical après avoir passé des heures sur un jeu ?
Mais par quels moyens une bonne musique de jeux vidéo nous entraine-t-elle avec elle ?
Penchons-nous plus spécifiquement sur deux franchises majeures de la maison Nintendo : Zelda et Mario
Thèmes principaux : vers l’aventure
Écoutons d’abord les thèmes principaux de ces deux licences : Zelda et Mario
Notons tout d’abord qu’à l’époque des premières consoles, la composition était limitée par la technologie : impossible de transcrire un son d’orchestre symphonique au travers des enceintes d’une GameBoy ! On doit donc être le plus efficace possible pour transmettre des idées musicales fortes via des sons de plus basse qualité de type 8 bits.
C’est ce qu’on remarque rapidement en écoutant ces thèmes principaux : il y a des motifs forts, assez courts, que l’on retient très facilement. Dans les deux cas, l’écoute nous procure une sensation agréable dès les premières notes : et pour cause, les deux thèmes commencent en énonçant clairement le mode majeur. À ce propos, la gamme majeure allume en nous une sensation de joie, de grandeur, en opposition à la gamme mineure, qui nous renvoie plus vers des sentiments mélancoliques, tristes.
Concernant le thème de Zelda, on remarque un motif rythmiquement très intéressant : on utilise d’abord du binaire pour évoquer de la détermination, puis on s’en va rapidement vers des croches ternaires qui nous emmènent vers les notes les plus aigues, comme pour souligner l’aspect grandiose et épique de l’aventure que l’on s’apprête à débuter. Ensuite, on retrouve le binaire avec un rythme presque martial, annonçant la couleur de combats à venir, avec une mélodie descendante plus mystérieuse. On arrive enfin sur un ostinato (répétition d’une cellule rythmique en boucle) court sur une même note évoquant le galop du cheval : celui-ci nous ramène au début du motif, la boucle est bouclée !
Pour ce qui est du thème de Mario, l’ambiance est plus paisible, la mélodie est joueuse, avec son rythme plus syncopé (notes jouées sur les contretemps et non les temps) qui nous donne un côté très ludique, amusé. Les notes sont staccato (notes très courtes, brèves), sautillantes, ce qui nous laisse imaginer un monde haut en couleurs et dynamique. On observe un second segment mélodique descendant se terminant par trois notes à l’aigu très punchées, toujours dans un rythme très énergique, comme un appel au plaisir. Ensuite vient un troisième segment, légèrement plus doux, peut-être pour évoquer les difficultés à venir, et qui se termine finalement sur un accord majeur énoncé, qui nous ramène au début du motif.
Faire voyager le joueur
Pour continuer notre petit aperçu des tips et astuces utilisés pour nous générer un univers sonore, penchons-nous sur quelques musiques spécifiques à un biome (région de l’univers du jeu vidéo).
Prenons le monde aquatique de Mario.
Puis celui du village aquatique de Zora dans Zelda.
À l’écoute de ces deux thèmes, on peut se rendre compte de quelques similarités :
- Sons électroniques typiques des années 80, avec beaucoup de résonnance (ou reverb)
- Atmosphère très calme, très douce
- Les accords sont arpégés (joués note par note), pouvant rappeler des gouttes d’eau tombant une par une
Ces éléments nous renvoient vers un milieu aquatique apaisant, à la fois grâce à des effets instrumentaux, mais aussi en jouant sur des codes plus ou moins conscients acquis par notre oreille.
Si l’on se penchait sur d’autres biomes, on pourrait repérer, par exemple, une utilisation d’instruments orientaux pour le désert, souvent accompagnés de gammes typiques orientales. Des milieux jonglant autour du feu, du volcan porteront souvent une musique utilisant plus de percussions et plus de cuivres au registre grave, tandis que des milieux aériens seront le plus souvent mis en musique avec une instrumentation plus aigue, des timbres plus doux.
En conclusion
Il s’agit là d’un aperçu rapide et simplifié, mais il va sans dire que la musique de jeux vidéo est d’une incroyable richesse : cela prend beaucoup d’habileté et de subtilité pour créer un univers musical crédible, sur les images d’un monde qui n’existe pas. On doit être à la fois séduit par la musique, comprendre ce qu’elle évoque mais sans que cela rentre dans des clichés qui rendraient le trait grossier et sortirait le joueur dans son immersion.
Le travail magistral des franchises Mario et Zelda est celui du célèbre compositeur Koji Kondo. Aujourd’hui, cela fait presque 40 ans qu’il dresse le portrait auditif des grands classiques Nintendo, nous entraine avec savoir-faire dans des univers fantastiques, et surtout berce nos heures passées à explorer ces mondes imaginaires.
Si les mentalités évoluent et reconnaissent de plus en plus le travail des compositeurs de jeux vidéo, il n’en a pas été toujours de même, parfois certains allant même jusqu’à railler ces derniers : le jeu-vidéo n’étant pas perçu comme un domaine sérieux.
Aujourd’hui, on ne compte plus les musiques légendaires, épiques et célébrissimes issues de nos jeux préférés.
Et vous, quelles sont les musiques de jeux vidéo qui vous font vous échapper dès les premières notes ?
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Merci à l’Entente de développement culturel pour le soutien financier.